Un centre d’accueil d’urgence d’Anderlecht offre 28 jours de répit. Dès l’entrée, un sas de sécurité. Devant moi, quatre hommes énoncent leur nom et leur numéro. Les vigiles vérifient leur identité avant de les laisser passer. On me tend un talkie-walkie, « au cas où », puis je découvre ce bâtiment de quatre étages.
Ce centre accueille des hommes sans abri, pour une durée maximale de 28 jours. Chaque jour, certains arrivent, d’autres repartent. Créé par la Plateforme citoyenne BelRefugees, il fait partie d’un réseau de lieux d’hébergement d’urgence. Ici, chacun trouve un lit dans une chambre partagée, trois repas quotidiens et la possibilité de laver son linge.
Ils sont une centaine à cohabiter entre ces murs, venus des quatre coins du monde : Érythrée, Congo, Gaza, Burundi, Yémen, Russie… Des sans-abri, des demandeurs d’asile, des hommes en transit. La plupart sont sans papiers. Ils ont parcouru des centaines de kilomètres dans un périple chaotique et périlleux pour rejoindre la Belgique. Pour les accompagner, une vingtaine de travailleurs veillent : ils orientent, répondent aux besoins, gèrent les tensions inévitables d’un espace où tant d’histoires se croisent. Parfois, des activités sont organisées, offrant aux plus isolés un moment d’évasion, un semblant de normalité.
Dans ce bâtiment blanc, impersonnel, la vie bat son plein. Une diversité précieuse résonne, portée par des voix, des regards, des silences. Chacun sait qu’au bout des 28 jours, la rue l’attend de nouveau. Alors, il en profite. Ce n’est ni le confort, ni un foyer. Mais ici, il n’est plus seul.
Chaque midi, des sandwiches sont distribués. Pour manger, ces hommes font la queue pendant que les organisateurs enregistrent leur présence. Ils reçoivent un fruit, un sandwich, ainsi que du thé ou du café. À leur arrivée, les hommes se déshabillent, on leur prête des vêtements et leurs affaires sont entièrement congelées pendant 2 jours. Elles sont ensuite lavées puis rendues à leur propriétaire. Ce rituel permet d’éviter les punaises ou les maladies et de rendre des affaires saines aux habitants de l’immeuble pour l’ensemble de leur séjour. Le centre, en partenariat avec l’association Hobo, a créé trois jours de formation pour enseigner les bases pour utiliser un ordinateur: taper sur un clavier, rédiger un texte, envoyer des e-mails. Cette formation permet de faire un pas vers l’insertion. Cela leur permettra d’échanger avec un avocat, de trouver un logement, etc.Oscar a 50 ans et vient du Burundi. Il a fui son pays. Cela fait trois ans qu’il est parti, laissant derrière lui sa femme et leurs six enfants. Il est d’abord passé par la Pologne, puis par l’Allemagne, avant d’arriver récemment en Belgique. Son objectif est d’obtenir l’asile pour pouvoir faire venir sa famille auprès de lui. Chaque jour, ils communiquent et s’envoient des photos. Il espère les retrouver au plus vite. Chaque demandeur d’asile reçoit une carte d’avocat pour sa deuxième interview. Ces objets appartiennent à l’un d’eux, posés sur l’appui de fenêtre d’une chambre.Les chambres sont simples, allant de une à cinq personnes, et sont attribuées en fonction de la nationalité ou de la langue.Tewelde vient d’Érythrée. Il a fui son pays parce que là-bas, il n’est pas libre. L’Érythrée est l’un des pays les plus fermés et autoritaires au monde, souvent comparé à la Corée du Nord en raison de son régime répressif. Tewelde est parti parce que là-bas, on n’a pas le choix : on doit devenir soldat. Il aurait aimé être journaliste, mais la liberté de la presse n’existe pas. Là-bas, « The freedom is a luxury » dit-il. Aujourd’hui, il veut reconstruire sa vie en Belgique et demande l’asile dans l’espoir d’avoir une vie normale.La librairie de l’hébergement est l’un des seuls lieux communs. On y trouve des livres, des dessins et un jeu de dames. Tewelde aime y jouer avec son ami Futsum, qui vient lui aussi d’Érythrée.Chaque occupant a droit à un casier et un cadenas. Cependant, peu y stockent des affaires. Les travailleurs du centre déconseillent d’y entreposer des objets de valeur, car ils sont très souvent volés.Dans les couloirs, peu de chambres sont grandes ouvertes. Les habitants essaient de préserver le peu d’intimité qu’ils ont et laissent très souvent leur porte fermée. Cet occupant, dont la chambre est grande ouverte, se rend de chambre en chambre et fait des essayages.
De temps en temps, un tournoi de baby-foot est organisé. Des équipes de deux s’affrontent dans une ambiance conviviale et compétitive.
Les deux gagnants du tournoi de baby-foot sont récompensés par une médaille et une boîte de chocolats. Les gens célèbrent la victoire en criant et en chantant.Dans un logement regroupant autant d’hommes d’origines multiples, de nombreuses religions se croisent. Ces tapis de prière, disposés dans un coin de la pièce, sont mis à disposition pour ceux qui le désirent.Ce dessin n’est pas celui d’un enfant, c’est celui d’un adulte qui a participé à une activité de « dessin-thérapie ». Durant cet atelier, on leur demande de dessiner un moment marquant de leur vie.
Cet hébergement est très aseptisé, avec des couloirs blancs et vides qui se ressemblent tous. Les étages se distinguent seulement par un numéro dans la cage d’escalier.
Ce garage voisin est tagué avec l’inscription « Papiers pour tous.tes », montrant les enjeux du quartier.