A Sorinnes, près de Dinant, le refuge « Sans Famille » accueille des animaux abandonnés depuis 36 ans. La particularité du domaine ? Les animaux y sont en semi-liberté.
Photo : Issey Résimont
Dès l’arrivée, nous sommes accueillis par Bella, Kito et Luna. Ces chiens, qui appartiennent aux propriétaires du refuge, viennent joyeusement nous renifler, réclamant quelques caresses et distribuant des petites léchouilles en guise de bienvenue. C’est au milieu des champs de Sorinnes, que se trouve le refuge “Sans famille”, un espace de six hectares, semblable à une véritable ferme. Fondé il y a 36 ans par Frédérique et Jean-Pierre, ce refuge accueille aujourd’hui une grande diversité d’animaux qui ont été abandonnés, trouvés ou retirés à leurs propriétaires suite à de mauvais traitements. Actuellement, il y a 50 chiens, 60 chats, 18 moutons, 4 vaches, 18 équidés, 26 chèvres, 15 cochons et 200 poules. En moyenne, le refuge doit faire face à trois ou quatre abandons chaque mois, un chiffre qui évolue constamment.
La particularité et la plus grande force de “Sans famille” est son fonctionnement en semi-liberté qui le distingue des autres structures. Ici, les animaux ne vivent pas derrière des barreaux mais dans de vastes enclos. Les chiens, par exemple, vivent en meute où ils peuvent interagir et se déplacer librement. Les plus difficiles à gérer sont séparés pour garantir leur sécurité et celle des autres. Les nouveaux arrivants, quant à eux, passent par une période d’adaptation durant laquelle ils sont isolés temporairement afin de faciliter leur intégration dans la meute. Dans le cas d’une adoption infructueuse, cette organisation diminue le stress du chien qui, s’il revient au refuge, retourne dans la meute et ne passe pas par la case “retour cage”.
Si le refuge existe, c’est grâce au couple de fondateurs, qui y habitent et le gèrent avec dévouement. Ils puisent dans leurs pensions et leurs économies pour maintenir le domaine, ce qui est complété par quelques petits dons. Mais “Sans famille”, c’est aussi des bénévoles qui viennent prêter main forte. Parmi eux, Ismérie et Maxime, deux passionnés, qui passent la majeure partie de leur temps ici. “On aime que ça, c’est notre vie ici”, expliquent-ils. Avec des animaux en semi-liberté, les liens tissés sont plus forts que dans des refuges classiques avec des cages. « On fait partie de la meute », ajoutent-ils. Outre Ismérie et Maxime, d’autres bénévoles viennent régulièrement pour promener les chiens, s’occuper des chats ou encore entretenir les lieux.

Les animaux placés
Au refuge, un nombre significatif d’animaux proviennent de saisies. Ces saisies sont coordonnées par l’unité du Bien-Être Animal qui intervient lorsque des animaux sont maltraités, négligés et que leurs conditions de vie sont jugées inacceptables. L’unité qui fait partie du département de la police et des contrôles, compte 18 agents, dont une majorité de vétérinaires. Ils traitent les plaintes qui arrivent en masse et procèdent aux saisies pour protéger les animaux. En 2023, 1.379 animaux ont été saisis en Egion wallonne. Le bilan final de 2024 sera sans doute plus élevé encore: alors qu’entre janvier et juin 2023, on dénombrait 676 saisies, le chiffre est passé à 1.280 sur la même période en 2024. Lors de la saisie, les animaux sont physiquement retirés de leur environnement et placés dans des refuges sûrs. Chaque saisie est d’abord temporaire et dure maximum 60 jours. Durant ce délai, les propriétaires peuvent préparer leur défense. Ensuite, les agents font une proposition, pour décider de qui sera le propriétaire définitif. La décision finale revient au ministre compétent dans le bien-être animal, qui n’est autre, dans le gouvernement wallon actuel, que le ministre-président Adrien Dolimont. Dans la plupart des cas, l’animal reste au refuge. Une aide financière publique est allouée afin d’aider le refuge dans sa prise en charge. Dans 6% des cas, l’animal est rendu à son propriétaire si celui-ci respecte les nouvelles conditions.
Les chiens “inadoptables”
À “Sans famille”, de nombreux chiens sont en situation dite “inadoptable”. La raison ? Certains sont âgés, souvent jugés “trop vieux” par les adoptants potentiels et d’autres ont été maltraités et sont donc méfiants voire agressifs envers les humains. Pour les faire évoluer, le refuge fait appel à Gaëlle, une comportementaliste spécialisée qui vient travailler régulièrement avec eux. Selon elle, il n’y a pas une méthode miracle qui marche avec tous les chiens. Chaque animal est différent et donc le travail à faire n’est jamais le même. Il faut avant tout observer le comportement du chien pour savoir comment l’aborder. Puis petit à petit, essayer de gagner sa confiance, son respect et par la suite créer un lien. D’autres chiens ont du mal à trouver une famille en raison de leurs lourds besoins médicaux, qui exigent un engagement important de la part des adoptants. Parmi eux, se trouve Roxana, une malinoise de 4 ans rapatriée de Bulgarie. Elle est passée de famille d’accueil en famille d’accueil avant d’être finalement retrouvée abandonnée, paralysée des pattes arrières, dans un abri de jardin. Aujourd’hui, Roxanna reçoit les soins et l’attention de deux marraines, Barbara et Annie, qui viennent la sortir tous les deux jours en l’accompagnant dans son chariot. Le refuge est cependant conscient que ses chances d’adoption sont malheureusement faibles.
