Un code de conduite, une care team et un safer space sont les nouvelles structures mises en place par le BIFFF, le festival du film fantastique de Bruxelles, à l’amorce de sa 43e édition. Du changement et renouvèlement que l’équipe du festival jugeait nécessaires en raison des incidents survenus lors de de la précédente édition.
Préserver l’ambiance festive du BIFFF tout en garantissant la sécurité du festival, c’est l’enjeu délicat de cette 43e édition, présentée lors d’une conférence de presse à Bruxelles le 19 mars dernier. « L’essentiel, c’est que l’on préserve l’esprit du BIFFF et surtout notre public fidèle, qui comprend la différence entre exutoire et défouloir« , a souligné l’équipe du festival. La particularité du BIFFF est de laisser le public s’exprimer pendant les séances. Les personnes peuvent ainsi se permettre d’intervenir dans la salle, contrairement aux règles qui prévalent dans les salles de cinéma classiques. Les interpellations et les blagues font partie de l’âme du BIFFF.
Le BIFFF face à la polémique
Mais lors de la précédente édition, le caractère récréatif du festival a soudain pris une toute autre envergure. Le BIFFF projetait le film Love lies bleeding avec Kristen Stewart et Katy O’brian. Ce thriller romantique raconte une histoire d’amour tumultueuse entre une bodybuildeuse et une auto-stoppeuse. Dans la salle se trouvaient des personnes qui ne connaissaient pas les codes du festival. Vers le milieu du film, la séance a été interrompue par des propos jugés lesbophobes, tenus haut et fort par certains spectateurs qui ont plaisanté sur le caractère lesbien du film. Une partie du public, membre de la communauté LBGTQIA+, s’est sentie visée et a rétorqué. S’en est suivie une confrontation houleuse. Une partie du public s’est sentie offensée et a quitté la salle. L’équipe du festival, dont une partie a été violemment interpellée, a dû intervenir, et la police a même été appelée. En 42 ans d’activité, cela ne s’était jamais produit au sein de ce festival à la renommée internationale.
Emma Fontaine, bénévole depuis des années au BIFFF, était présente lors de l’événement. Choquée et gênée, elle se souvient d’une escalade de violence « horrible » qui a été, selon elle, mal gérée par le festival. Fidèle au festival, Elle appréhende cette nouvelle édition et craint que des événements similaires se reproduisent.
Jonathan Lenaerts, attaché de presse du festival, se veut confiant. D’après lui, les médias n’auraient pas décrit la réalité des fait. « Ça n’a jamais été aussi violent que ce que ces derniers prétendent. » dit-il. « Si ce que les médias ont décrit s’étaient réellement passé, certains grands producteurs importants présents seraient partis directement et se seraient désolidarisé du festival ». La polémique a néanmoins amené le BIFFF à s’adapter.
Le BIFFF s’adapte
L’équipe du festival a décidé de mettre en place un code de conduite pour la première fois. Ce code stipule qu’aucune forme de violence morale et physique sera tolérée, pas plus que le racisme, la misogynie, ou toute autre forme d’intimidation à caractère discriminatoire portant atteinte à autrui. Les festivaliers qui ne respecteront pas ces règles seront sanctionnés en étant expulsé du festival. Leurs pass, accréditions ou billets seront retirés, sans remboursement possible. Des vidéos de préventions seront également projetées avant certaines séances.
Le BIFFF intègre également cette année une care team, comme il en existe dans de nombreux autres festivals. Cette équipe, composée de bénévoles, sera située au stand safer space, un lieu où toute personne qui faisant face à des propos inappropriés pourra venir s’exprimer et sera accompagnée pour trouver des solutions. La care team aura reçu une formation dispensée par le Plan Sacha, une association luttant contre les violences sexistes et sexuelles en milieu festif. Les bénévoles pourront prendre en charge les victimes, les écouter, les amener dans un lieu calme et sécurisé et signaler ces situations aux autres niveaux de sécurité pour mieux et plus vite identifier d’éventuels agresseurs et agresseuses. Le BIFFF espère de cette façon œuvrer à la « désescalade« .
Réactions contrastée
Nino, actrice de théâtre et membre de la communauté LGBTQIA+, était présente à la projection de Love lies bleeding et s’était sentie visée par les remarques discriminantes de la part du public habitué. Elle se souvient avoir été forcée de quitter la salle et non ceux qu’elle considère comme des agresseurs, ce qu’elle ne cautionne pas. Nino pense que la mise en place d’une care team n’est pas suffisante pour encadrer et protéger le festival de de toute agression discriminante.
Laura, membre de l’équipe du BIFFF, est quant à elle confiante sur la mise en place de cette nouvelle structure. « Via la care team, on peut nouer le dialogue sur tout un tas de choses, amener une conversation sur des sujets qui divisent parfois, avec pour but une meilleure compréhension des sensibilités de chacun et chacune« . Autre nouveauté : le BIFFF proposera également 4 séances silencieuses qui permettront aux spectateurs qui le désirent de profiter des séances dans le calme complet.
Un avenir compromis
L’équipe du BIFFF aspire par ailleurs à se concentrer sur d’autres enjeux, et notamment sur les questions financières, car au-delà des polémiques, la survie même du festival est en jeu. Le BIFFF doit faire face à l’absence de garantie de financement de la part du gouvernement bruxellois, qui n’est pas pleinement opérationnel et qui pourrait compromettre l’édition 2026 du festival. Le secteur culturel belge redoute aussi d’être impacté par les économies prévues par le gouvernement fédéral.
En dépit d’un avenir incertain, les organisateurs sont déterminés à faire vivre la 43e édition du BIFFF dans une atmosphère safe, mais toujours rigolarde.
Toutes les informations sur l’édition du BIFFF 2025 : https://www.bifff.net/