Portrait d’Alberto Cardoso, globe-trotteur, rat de bibliothèque et amateur de bière.
Photos : Salomé Lauwerijs
Alberto Cardoso a vécu dix vies en une. Son histoire commence à la veille de l’indépendance du Congo, son chemin le mènera dans de nombreux pays en Afrique, en Océanie et en Amérique pour finalement le ramener à Bruxelles. C’est d’ailleurs en Afrique qu’Alberto rencontrera l’amour de sa vie : la lecture.
Le nom d’Alberto Cardoso ne vous évoque peut-être rien. Pourtant, dans le monde de la bière artisanale, il est difficile de ne pas l’entendre. Sa réputation d’homme à la langue bien pendue et aux avis bien tranchés le précède. Après avoir travaillé de nombreuses années dans le secteur de la pétrochimie et du nucléaire, il est aujourd’hui une figure incontournable de la scène brassicole.
Administrateur depuis 1985 du musée de la brasserie centenaire Cantillon, réputée mondialement pour ses bières de fermentation spontanée, son histoire atypique ne lui laissait pourtant pas présager qu’en 2019 il serait vu comme la « mascotte » de la bière artisanale bruxelloise.

Une enfance passée sur les routes d’Afrique
Alberto Cardoso est né au Congo, à Bukavu en 1956. Il est le fruit de la rencontre fortuite d’un jeune Portugais et d’une Limbourgeoise. Naître au Congo et vivre dans de nombreux pays d’Afrique lui a forgé un caractère bien à lui. « Au Congo, on n’avait rien du tout. Il n’y avait pas de magasin, il fallait se débrouiller pour tout. Il fallait constamment trouver de l’eau potable. Ce furent d’autres conditions de vie et cela m’a forgé d’autres valeurs. »
Obligée de quitter le Congo en 1963 suite à l’indépendance du pays et des nombreux troubles qui en découlent, la famille entame alors un long périple sur les routes d’Afrique. Un périple qui la forcera à vivre un an dans un combi Volkswagen à cinq, qui les ramènera jusqu’au Katanga alors que la province était encore en pleine crise. C’est là que Berto passera par des épisodes de vie qui le hantent encore.
La famille arrive finalement au Zimbabwe en 1967. Un pays qu’Alberto appelle le paradis terrestre et où il a fait ses études secondaires. Quand il en parle, on ne peut s’empêcher de voir naître des étoiles dans ses yeux. « On était pieds nus, on courrait partout, on grimpait dans les arbres comme des singes. On était la plupart du temps à moitié à poil dans la brousse, c’était le paradis.»

« Ma vraie drogue c’est la connaissance »
C’est d’ailleurs au Zimbabwe qu’Alberto rencontra l’un des amours de sa vie : les livres. Ce goût de la lecture lui est venu grâce à la bibliothèque pour enfants du village, « children’s library » tenue par deux miss anglaises. On y trouvait des fictions, mais aussi toute une zone technique et surtout l’Encyclopedia Britannica. Lire cette encyclopédie fut un déclic pour Berto. Quand on déambule aujourd’hui chez lui on se rend compte que cette passion ne l’a jamais quitté.

Malgré les quatre cambriolages subis d’affilée et un déménagement, l’appartement qu’une de ses amies lui loue est rempli de livres. Dans la cuisine, le salon, la chambre, dans des caisses. Les livres traitent de tout, autant de la fine gastronomie française, que des mathématiques, de Bruxelles ou de survie dans la cambrousse. La période des lumières le fascine totalement et il n’est pas étonnant de l’entendre dire que le problème mondial, c’est l’éducation et rien d’autre.

Accro à l’amitié
Entre tous ses bouquins, on tombe sur une panoplie de bières, cadeaux d’amis éloignés ou d’ici. La bière, ça lui est un peu venu comme ça. Il arrive pour la première fois à Cantillon, sans connaître quoi que ce soit de la brasserie, pour y faire des photos. Il y reviendra, pas pour la bière mais pour le contact humain. « Ils pensent tous que je suis accro à la bière, mais ce n’est pas vrai, je suis accro à l’amitié ! Le monde de la bière m’a permis de rencontrer des gens extraordinaires. »
Depuis, sa bibliothèque s’est enrichie d’une panoplie de livres sur la bière. La prochaine étape, passer lui-même derrière le clavier pour raconter sa propre histoire.






