Du bruit des usines au calme des abbayes

A l'abbaye Notre Dame de Scourmont, ils ont fait le choix du travail et de la prière

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A l’abbaye Notre Dame de Scourmont, ils ont fait le choix du travail et de la prière

Jusqu’à ses 58 ans, Alain a travaillé chez PSA Groupe, à Hordain, dans le nord de la France. Toute sa carrière, il s’est occupé des boites de vitesse du constructeur automobile. Mais quand on le rencontre, il est vêtu d’un scapulaire blanc et d’une ceinture à la taille. Ne l’appelez plus Alain, mais frère Alain Marie.

Perdue entre les champs, une simple route mène à l’abbaye Notre Dame de Scourmont. Au loin, on distingue sa grande porte en bois, arquée, veillant sur chaque visiteur, sur chaque curieux ou sur chaque fidèle. Située dans le calme plat de la campagne chimacienne, l’abbaye est connue pour sa bière. Mais derrière ses murs, se cache une vie monastique basée sur la prière et le travail, selon la règle de l’Ordre cistercien de la stricte observance.

A 4h20, les cloches sonnent pour la première fois de la journée. Celle de frère Alain Marie a débuté depuis une heure, le temps de se préparer, de déjeuner, et de se rendre à l’église de l’abbaye. 4h30, c’est l’heure des vigiles, premier office de la journée. Dans le transept, un moine a déjà commencé de prier. Silence total. Le temps de terminer sa prière et d’aller à la nef, et les autres moines arrivent. À douze, ils commencent à prier en chœur, faisant résonner harmonieusement leurs voix le long des murs de l’église.  A 5h20, chacun repart, dans le calme. Certains en profitent pour déjeuner, d’autres pour aller à la bibliothèque de l’abbaye.

L’ordre monastique des moines cisterciens a été fondé en 1098, à l’abbaye de Cîteaux, en Bourgogne. La vie monastique s’y base sur la règle de Saint Benoît. Simplicité, prière, travail, obéissance, silence, vie communautaire et humilité sont les principes des moines cisterciens. L’abbaye Notre Dame de Scourmont n’échappe pas à la règle. Dans les couloirs, c’est le calme plat. On n’entend que les bruits des pas. Même à table, on ne demande pas de passer le beurre, mais on montre du doigts, on sourit, et on se fait comprendre.

 « Après les vigiles, je m’installe toujours dans la bibliothèque, et je lis. Soit des passages de la bible, soit des textes qui s’y rapportent, ou des textes qui ont un lien avec Dieu et la foi. L’objectif, c’est de trouver un passage, une phrase ou un mot, et de le méditer pendant la journée. » Frère Alain Marie entame sa journée de cette manière, avant de se consacrer au travail et à la vie en communauté. Méditer sur une phrase, c’est ainsi que les moines dédient leur vie à leur recherche spirituelle et à leur foi. À chaque office, les cloches résonnent dans l’abbaye. Au total, les moines assistent aux 7 offices de la journée, rythmés entre lecture, parole et chant. Le tout, millimétré. Comme ces célébrations avaient été répétées pendant des années, ou plutôt, pendant des siècles.

Dédier sa vie à Dieu

Frère Alain Marie n’aurait jamais pensé devenir moine. Toute sa vie, il l’a consacrée à son travail et au bénévolat, aidant des amis, des malades, mais aussi des personnes âgées. « Petit à petit, je suis arrivé sur cette voie sans m’en rendre compte. » C’est en accompagnant un ami, dans le recueillement, qu’il a découvert l’abbaye Notre Dame de Scourmont. Cette abbaye, il ne l’a jamais oubliée. « Quand mon père est décédé, je sentais que quelque chose se préparait. Je ne sais pas si on peut appeler ça un signe ou non, mais j’ai décidé de venir ici, prendre une retraite. Et durant ma retraite, tout s’est déclenché. » Auparavant, Alain avait été jusqu’à sa confirmation mais il n’était pas pratiquant. « Avec le recul, je dirais que c’est une série de signes, d’abord dans le bénévolat, et puis dans ma vie, qui m’ont amené jusqu’ici. Quand j’étais en retraite ici, c’était comme une évidence. Alors, je me suis rapproché des moines, j’ai fait des entretiens, et maintenant, je suis novice, mais en août, je ferai mes vœux. » Une vie dans la quiétude, la prière, le calme, mais aussi dans le travail. « Je m’occupe du travail à l’extérieur, dans les jardins et le potager. Pour moi, ce n’est pas du travail, mais un moment de ressourcement. Ça mène à la réflexion, à la méditation, mais surtout, à la prière. Et ça, c’est un bonheur ici. » Alors, quand on demande au frère Alain Marie s’il est heureux, il répond que le bonheur est fait de hauts et de bas, mais que, oui, il peut dire qu’il est heureux.

Ici, tous vous le diront. Enfin, vous le diront, non, car les moines respectent le vœu de silence. Mais ceux qui acceptent de vous parler vous le diront, ils vivent une vie qu’ils aiment. C’est le cas du frère Marie Robert, moine depuis 30 ans. Comme il aime le raconter, à 20 ans, il avait quatre copines, mais il ne savait pas laquelle choisir. Alors, il décida de choisir un être encore plus cher à ses yeux : le Christ. « À 20 ans je me suis reconverti, et à 22 ans, j’étais moine. Maintenant, j’ai la plus belle vie du monde et je n’ai jamais regretté mon choix. » Sourire au visage, il aime prier et travailler la journée. Il aime cette vie moniale. Une vie qui attire les nouveaux, les regardants et les postulants, comme Andy, originaire de la région de Liège. En voulant découvrir la vie monastique, il est devenu regardant au sein de la communauté Notre Dame de Scourmont. « Pour l’instant, ce qui me manque, c’est le contact des gens. Mais, j’aime ces principes de vie et je voudrais vivre cette vie monastique. »

Si Frère Alain Marie, quant à lui, garde contact avec son frère et ses sœurs, il est conscient d’avoir renoncé à sa vie d’avant. « Quand on vient ici, il faut apprendre à sortir de notre bulle de l’extérieur. Il faut faire le deuil de ce qu’on a vécu à l’extérieur, mais ça fait partie de la vie monastique, et ça se fait progressivement. » Même s’il continue à sortir de l’abbaye, de temps en temps, pour aller se balader ou aller rencontrer des personnes, il revient toujours à la vie monastique. « Quand tu sors à l’extérieur, que tu vas en ville, tu peux vite être tenté de partir. Mais au final, c’est une vie qui ne t’intéresse plus. Tu te rends compte que tu avais besoin d’un changement radical. Et petit à petit, tu combats tes envies, pour faire preuve d’obéissance, d’humilité et de charité. » Comme il aime le dire, la vie monastique n’est pas une prison. C’est un monde ouvert, sur les autres, sur Dieu, et surtout, un monde apaisant, où entre prière et travail, on se retrouve, avec soi.

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