Sans-abrisme: les bénévoles en première ligne

Reportage en maraude à Bruxelles avec les bénévoles de la Croix-Rouge

par

Elise Henry

Reportage en maraude à Bruxelles avec les bénévoles de la Croix-Rouge

Elise Henry

En 2024, le nombre de personnes sans-abris et mal logées à Bruxelles pourrait dépasser la barre des 10.000 (contre 7.134 en 2022), selon le centre d’appui régional Brusse’Helpt. Cette augmentation du sans-abrisme, la Croix- Rouge y est directement confrontée au travers de ses maraudes de nuit. Nous les avons accompagné.

Il fait nuit, le vent souffle fort et le temps est glacial, nous sommes à la veille du grand retour de la neige. Rendez-vous à 18h, rue du Rempart des Moines 78, le mardi 19 novembre, au local de la Croix-Rouge de Bruxelles. Le portail est grand ouvert, aucun bénévole n’est encore arrivé hormis Gaëtan Lebrun, responsable de l’équipe Maraude, et Christine Weiland, présidente de la section de Bruxelles. Les locaux sont organisés en trois espaces. Il y a la réserve, la pièce à vivre, teintée de blanc et de rouge aux couleurs de l’association, et la cuisine, où sont préparés les sandwichs.

La Croix Rouge de Bruxelles organise tous les mardis soir des maraudes aussi dites tournées « HOMI » (« homeless and migrants ») pour désigner les bénéficiaires : les sans-abris et sans-papiers. « À la Croix- Rouge on ne fait aucune différence entre les bénéficiaires qu’on rencontre dans la rue, quel que soit leur parcours », explique Gaëtan Lebrun. Les maraudes sont organisées en trois équipes, qui distribuent de la nourriture, des boissons chaudes, mais aussi des produits de première nécessité. Les maraudes sont également un moyen de rétablir du lien social avec les bénéficiaires et les rediriger vers d’autres structures associatives. Pour Gaëtan Lebrun, « la tartine, c’est qu’un prétexte pour rester discuter avec eux, s’ils le veulent ».

De 18h à 20h, les bénévoles arrivent petit à petit, aident à la préparation de la nourriture et organisent les différentes caisses qui accompagneront les tournées. On enclenche la bouilloire, on réchauffe la soupe dans des marmites, et chacun se met à la chaîne pour réaliser des sandwichs au fromage. Entre les bénévoles, ça discute du quotidien et des préparatifs de la maraude, le tout dans une ambiance conviviale.

On avait commencé avec 45 sandwichs et maintenant on est à 120, mais j’en ferais 150, ça partirait aussi

Christine Weiland, présidente de la Croix Rouge de Bruxelles.

Le sans- abrisme augmente considérablement à Bruxelles, et ce sont les acteurs de terrain comme les bénévoles de la Croix-Rouge qui sont les premiers à le constater. Christine Weiland, présidente de la section Bruxelles de la Croix-Rouge, confirme avoir observé une forte augmentation du sans-abrisme depuis 2011 (début des maraudes a la section de Bruxelles) notamment du nombre de migrants en provenance de l’Europe de l’Est : « Le sans-abrisme augmente, ça c’est sûr (…) il y a un boom migratoire pas possible. On avait commencé avec 45 sandwichs et maintenant on est à 120, mais j’en ferai 150, ça partirait aussi », remarque-t-elle. Plusieurs autres bénévoles attestent également de cette augmentation, visible au travers des maraudes, même si cela dépend toujours des zones dans lesquelles ils interviennent. Quentin Guiraud, bénévole depuis 6 ans à la Croix-Rouge, a également constaté l’augmentation du nombre de femmes sans-abris et les très faibles réinsertions chez les bénéficiaires rencontrés.

Dans le métro d'Hôtel des Monnaies, les bénévoles servent des boissons chaudes et de la nourriture à des bénéficiaires.
La maraude de la Croix-Rouge s’arrête dans une station de métro

Il est 20 heures, l’heure d’aller commencer la maraude. Il fait nuit noire et les températures frôlent les 0 °C. Après un dernier briefing de Gaëtan Lebrun, les bénévoles enfilent leurs vestes rouges et se répartissent dans les camions. Tout au long de la maraude, l’ambiance dans le camion reste joviale. Les bénévoles discutent des endroits où l’on croise le plus de bénéficiaires, de ceux avec qui ils ont noué des liens (et dont ils s’efforcent de retenir les prénoms) mais aussi de la meilleure manière pour dire au revoir à un bénéficiaire : « au revoir » semble trop formel, « bon courage » paraît trop misérabiliste, « bonne soirée » peut sembler ironique. Ils finissent par s’accorder sur une formule : « Prenez soin de vous ».

On discute aussi de la meilleure manière de dire au revoir à un bénéficiaire : « au revoir » semble trop formel, « bon courage » paraît trop misérabiliste, « bonne soirée » peut sembler ironique. On s’accorde sur : « Prenez soin de vous ».

Le camion est allé du parvis de Saint-Gilles à la place du Luxembourg en passant par l’Hôtel des Monnaies. À chaque arrêt, les bénévoles prennent des caisses contenant des denrées alimentaires ou des produits d’hygiène pour les distribuer aux bénéficiaires. Ces derniers sont souvent allongés dans des couloirs de station de métro, assis sur un banc, ou blottis à plusieurs sous des tentes. À chaque rencontre, les bénévoles prennent le temps d’échanger avec les bénéficiaires pour créer ou renforcer un lien social, comme avec Léo. Lors d’une visite à la Croix Rouge, ce bénéficiaire a offert un livre à Quentin, avec qui il avait noué une relation amicale. Pour certains bénéficiaires, croiser la Croix- Rouge c’est discuter, donner ou recevoir des nouvelles, partager un sourire ou simplement tenir une main.

Il est 23 heures, c’est la fin de la maraude, tous les repas ont été distribués, même si, en milieu de parcours, les bénévoles ont dû rationner pour pouvoir en donner au plus grand nombre. À l’approche de l’hiver, la Croix-Rouge redouble d’efforts pour venir en aide aux milliers de sans-abris qui devront affronter des conditions climatiques éprouvantes et dangereuses.

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